Objet usuel Fulbe Afrik

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lundi 23 décembre 2013

Musiques des Peuls WoDaaBe du Niger


Une société nomade égalitaire
       
Les WoDaaBe du Niger font partie de la grande famille des Peuls (Fulbe ou Fulani), l’une des populations les plus importantes d’Afrique de l’Ouest. Répartis dans toute la zone sahélienne, du Sénégal au Soudan, les Peuls forment une constellation de groupes différents, pour la plupart sédentarisés ou ne pratiquant plus de transhumance que saisonnière. Les WoDaaBe, que l'on trouve aussi au Nigeria et au Tchad, partagent avec ces derniers la langue et les valeurs culturelles de l’élevage.

Mais demeurés strictement nomades et plus longtemps réfractaires à l’islam, ils forment aujourd’hui encore, contrairement à leurs frères sédentaires, une société organisée en lignages, sans distinction de catégories sociales, et à mode de pouvoir diffus, non centralisé. Aussi n’existe-t-il chez eux ni musique de cour, ni spécialistes de la musique. Alors qu’elle est le plus souvent devenue chez les Peuls synonyme de louanges aux notables, donc réservée aux catégories sociales de statut inférieur, la musique reste chez les WoDaaBe pratiquée par tout un chacun. Ainsi, leurs chants et danses cérémoniels représentent sûrement la survivance d’un ancien fonds culturel peul.

En tant que nomades, les WoDaaBe ne s’encombrent pas non plus d’instruments volumineux : hormis la flûte (duudaandu) ou la clarinette (odiliiru) en tiges de mil qui accompagne le jeune pâtre dans sa solitude, leur musique est avant tout vocale et collective.

Dans cette société patrilinéaire, c’est aux hommes qu’il revient d’exprimer l’identité de l’ensemble du groupe ou de son propre lignage par le chant. Répertoires féminins et masculins sont de ce fait distincts et toujours exécutés séparément.


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Contextes de jeu musical   

Eleveurs nomades, les WoDaaBe vivent dispersés la majeure partie de l’année, les familles se déplaçant au gré des pâturages et des points d’eau sur toute la zone sahélienne qui traverse d’ouest en est le Niger. La fin de la saison des pluies, qui voit les campements converger, marque toutefois une période de renouveau communautaire.
Commencent, de-ci de-là, les cérémonies de worso : trois jours de festivités au cours desquels les membres d’un même lignage célèbrent à l'unisson les naissances de l’année et les mariages arrangés entre leurs enfants. Ce sont alors les femmes qui conduisent le rituel par leurs chants de bénédiction et d’accueil à la mariée, tandis que les hommes se retrouvent unis au sein de la danse circulaire ruumiDanse circulaire ruumi.

Puis viennent les cérémonies interlignagères de ngaanyka : sept jours durant, un lignage « attaquant » et un lignage « attaqué » se livrent une guerre ritualisée au sein de la danse linéaire masculine geerewolDanse geerewol (une description en est donnée dans le guide d’écoute). Véritable rite de passage, celle-ci consacre pour les jeunes gens une seconde naissance, sociale. Ces confrontations sont aussi pour les lignages en présence un acte de reconnaissance mutuelle, le chant attestant à la fois de leur identité respective et de leur commune appartenance.


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Des chants masculins communs à la communauté
   

Savoir susciter l’émotion par sa voix est, pour les WoDaaBe, source de prestige. Aussi les jeunes gens s’appliquent-ils à parfaire leur maîtrise du chant tout au long de leur jeunesse. Un homme, même musulman, peut d’ailleurs chanter jusqu’à la fin de sa vie. La danse, en ce qu’elle est associée à la séduction amoureuse, est en revanche réservée aux hommes de la jeune génération.

La musique vocale masculine comprend différents genres en majeure partie polyphoniques. L'un de ces genres, commun à tous les WoDaaBe, est associé à la danse ruumi (« passer l’hivernage »), dont la caractéristique est non seulement de rassembler dans un même cercle tous les jeunes hommes en présence, quelle que soit leur appartenance lignagère, mais aussi d’être exécutée en toutes     circonstances : pendant les cérémonies de worso et de ngaanyka, en ville, sur la place des marchés, ou lors des fêtes de fin de Ramadan et de Tabaski. La danse ruumidanse ruumi et ses chants de forme responsoriale (ruumi-ruumi et ummalee) donnent ainsi lieu à des démonstrations publiques qui constituent de véritables représentations de l’identité collective, dans sa dimension la plus unitaire.

Les WoDaaBe ont également en commun divers jeux vocaux festifs (ndororiiyojeu vocal festif), des chants de possession (mooshi), ainsi que des chants de sérénades (leloore) proférés lors des veillées de séduction (lalwol), à l’orée des campements où vivent des jeunes filles. Mais contrairement à la danse ruumi, ces répertoires sont exécutés en petit comité, uniquement entre membres de même lignage.
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Des chants féminins rituels et festifs

   
Chez les WoDaaBe, c’est par les femmes que se nouent les alliances entre familles : étant au cœur du lien social, elles ont donc à charge de célébrer de leurs chants les unions matrimoniales. De forme fixe, le répertoire féminin de mariage a valeur de consécration rituelle. Les paroles ont en outre une dimension votive, en appelant à la fécondité des époux.

Les femmes possèdent également un répertoire vocal festif, pour lequel elles peuvent se réunir indépendamment de leur appartenance, puisqu’elles ne transmettent pas l’identité lignagère. Tous âges confondus, mêlées dans un même cercle de danse (wamo), elles se consacrent alors à célébrer « les hommes de charme » de la communauté en leur adressant sur un mode responsorial leurs chants de louange (maalawol). Il suffit qu’une soliste énonce une nouvelle phrase pour qu’un répons s’installe, se fixant peu à peu pour être repris par l’ensemble des femmes. La soliste peut dès lors varier au gré de son inspiration. Un nouveau chant est ainsi créé, qui sera retenu s’il fait l’unanimité, forgeant au-delà du lignage « une renommée de charme » pour celui auquel il est dédié.


Les femmes chantent également des berceuses, créations spontanées des mères qui rappellent en quelques phrases les événements positifs ayant accompagné la naissance de leur enfant, de sorte à lui porter bonheur.

À noter enfin que les danses de possession mooshi inspirées du culte haoussa des bori constituent le seul contexte mixte où, de façon transgressive, les femmes dansent sur des chants masculins. D’emprunt récent, cette pratique qui permet aux femmes de se libérer dans la transe reste néanmoins marginale.

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