Enveloppe du corps, la peau est
investie par chaque société d’un symbolisme particulier 1.
Dans l’imaginaire social, la
couleur de la peau est le support de valeurs positives ou négatives, elle
participe à la formulation de jugements sociaux et esthétiques stéréotypés.
Elle influence la perception que les individus ont d’autrui et détermine quel
type de relation ils établissent avec l’autre. Par sa dimension relationnelle,
la couleur de la peau permet aux membres d’une société d’opérer une distinction
entre l’identique et le différent. Donnée organique, la couleur de la peau
intègre les enjeux de l’identité à l’oeuvre dans l’apparence corporelle et dans
la présentation de soi. La relation entre le symbolisme social de la couleur de
peau et l’identité va être appréhendée chez les femmes des Peuls Djeneri du
Mali 2.
Aujourd’hui sédentarisée, la société des Peuls
Djeneri se fonde sur une hiérarchie sociale. Au sommet de cette hiérarchie, se
situent les pasteurs et éleveurs FulBe, puis les Dielli qui maîtrisent l’art de
la parole et les connaissances généalogiques, les Nyeno dont les femmes tatouent,
excisent et pratiquent l’artisanat de la poterie, et enfin les anciens captifs
et agriculteurs RimayBe.
Dans la langue peule, le « fulfulde », plusieurs couleurs de peau sont distinguées : la peau blanche « daneejo », rouge « bodeejo », café au lait « cido », noire avec des reflets rouges « bamaleejo » et la peau noire sans reflets « baleejo ». Les femmes peules 3 différencient également l’épiderme selon deux qualités interdépendantes, la douceur et la brillance. Ces qualités s’opposent à un épiderme qualifié de rugueux et de terne. Les femmes peules s’autoattribuent une couleur de peau claire et brillante et font de leur épiderme un marqueur corporel de leur identité. Pour comprendre comment les couleurs de la peau constituent un marqueur corporel de l’identité, il est nécessaire de se référer aux mythes fondateurs des Peuls.
PEAU & COULEURS
La couleur de la peau dans les
récits fondateurs des Peuls Les Peuls Djeneri
possèdent de nombreux récits relatant la création de leur société. Ces récits
ont été retranscrits dans des « tarikh » 4 conservés dans les mosquées des
villes et des villages. Dans les contextes contemporains, ces récits fondateurs
représentent une ressource de significations réactualisées par les Peuls pour
penser leur identité selon des critères choisis 5.
Voici l’un de ces récits :
« Le premier homme est un Arabe,
il a épousé une femme noire. Le père du premier Peul est venu d’Arabie
Saoudite. Avec sa femme noire, ils ont donné naissance à un fils, c’est le
premier Peul. Ils ont eu d’autres enfants, et tous parlent le fulfulde, mais ni
le père ni la mère ne connaissent cette langue. C’est la première fois que l’on
parlait le fulfulde en Afrique. Quand les parents sont
morts, le fils aîné a voulu voir le village de son père. Ils sont tous partis
en Arabie. Le prophète avait déjà parlé de la venue de ces enfants et les gens
là-bas virent que c’était vrai. Après les enfants revinrent en Afrique pour
être avec les animaux, car les Peuls aiment les animaux et ils sont devenus des
pasteurs. Certains sont allés vers le Mali, d’autres au Sahara, au Tchad ou au
Fouta Toro et au Fouta Djallon. À cause de ce mariage, le sang du Peul est
beau, car il a une origine arabe. À cause de ce sang mélangé, les Peuls ont un
corps différent des autres peuples noirs » (homme Dielli, Senossa, 2004).
Plusieurs critères fondamentaux de
l’identité peule sont présentés dans le récit ; nous trouvons la langue «
fulfulde », le pastoralisme et l’islam6. Leur particularisme identitaire se
fonde également sur la référence à un métissage7 entre deux individus
d’origine ethnique différente. L’alliance contractée entre un homme arabe et
une femme noire a donné naissance à des enfants métis, les premiers Peuls.
Comme l’a démontré Roger Toumson (2001), le métis joue une fonction sociale et symbolique
cardinale en incarnant une figure mythique. Selon les femmes peules, ces
enfants métis créent une nouvelle catégorie d’êtres humains, qui se distinguent
des autres sociétés. Provenant du latin « miscere» signifiant « mélanger », la
notion de métissage désigne dans son sens premier un mélange de deux sangs
différents. Dans notre contexte, ce métissage concerne également la combinaison
de deux morphologies distinctes, possédant chacune des caractéristiques
physiques particulières. Liées à ce métissage, les Peuls s’attribuent des
propriétés corporelles particulières.
Ces spécificités regroupent quatre critères esthétiques principaux : des traits du visage fins, des cheveux longs et non crépus, une morphologie longiligne et, enfin, une couleur de peau claire, qualifiée de « rouge ». Comme l’a remarqué Ina Césaire, « la notion de race8 semble être la notion clef pour la compréhension du sens de la quête esthétique du pasteur peul nomade » (1974 : 370). Dans les représentations peules, ces enfants métis à l’origine d’un nouveau peuple possèdent une morphologie particulière et une beauté corporelle distinctive.
Ces spécificités regroupent quatre critères esthétiques principaux : des traits du visage fins, des cheveux longs et non crépus, une morphologie longiligne et, enfin, une couleur de peau claire, qualifiée de « rouge ». Comme l’a remarqué Ina Césaire, « la notion de race8 semble être la notion clef pour la compréhension du sens de la quête esthétique du pasteur peul nomade » (1974 : 370). Dans les représentations peules, ces enfants métis à l’origine d’un nouveau peuple possèdent une morphologie particulière et une beauté corporelle distinctive.
Les Peuls Djeneri se positionnent ainsi comme des intermédiaires entre les Noirs et les Blancs, mais plus proches des Blancs 9. Le « choix » d’affilier le « père » des Peuls à un individu d’origine arabe apparaît essentiel dans la construction identitaire des Peuls. Il traduit la volonté de créer un lien de parenté avec des peuples plus proches d’un idéal morphologique et social. Ce rapport est réactualisé aujourd’hui dans la qualification de l’épiderme féminin. Les jeunes filles dotées d’une peau claire sont dites de « la maison du père » 10.
À l’inverse, les jeunes filles au teint foncé proviennent de « la maison de la mère ». Cette qualification s’accompagne d’une appréciation esthétique puisque, pour les Peuls, seules les couleurs de peau blanche et rouge sont jugées belles. À l’inverse, un épiderme de couleur noire se trouve associé à la laideur, il est jugé sans éclat et rugueux au toucher. Pour les Peuls Djeneri, les spécificités corporelles acquises par ce métissage originel doivent être préservées. L’expression peule « le ventre teint la peau » relevée par C. Monteil (1950 : 165) démontre qu’une union matrimoniale exogame provoquerait une altération de ce capital esthétique. Les Peuls Djeneri prescrivent ainsi la règle matrimoniale de l’endogamie pour transmettre et conserver leur couleur de peau et leurs particularités corporelles. Grâce aux récits fondateurs, le corps et la couleur de la peau constituent des marqueurs identitaires. La couleur de la peau représente également un marqueur de distinction sociale entre les différentes catégories sociales composant la société peule.
Dans les sociétés hiérarchisées,
la couleur de la peau est le support de valeurs sociales qui valorisent ou
dévalorisent l’autre. Au sein de la structure sociale, elle justifie un statut
et l’appartenance à une catégorie sociale. Comme l’a remarqué Terence Turner chez les
Kayapo du Brésil, « the physical skin of the body becomes a social skin of
signs and meanings that bound and represent the socialized self by mediating
its relations to the ambient social world » (1995 : 149).
Dans cette perspective, la couleur de peau constitue un code sémiotique, elle est un marqueur identitaire et statutaire au sein des relations sociales (Sahlins M., 1976).
Dans cette perspective, la couleur de peau constitue un code sémiotique, elle est un marqueur identitaire et statutaire au sein des relations sociales (Sahlins M., 1976).
Chez les Peuls Djeneri, la couleur de la peau représente un indicateur de l’appartenance à l’une des catégories sociales composant la société. Au sommet de la hiérarchie sociale, se situent les pasteurs11 FulBe qui se présentent et sont considérés par les autres catégories sociales comme des nobles.
Les autres catégories sociales entretiennent une relation de dépendance envers les FulBe. Cette dépendance provient de l’origine non peule de ces groupes, qui ont été soumis par les FulBe lors de la Dîna 12. Parmi ces catégories sociales, les RimayBe ont un statut social dévalorisé, car ils sont les anciens captifs des FulBe. Les distinctions de teintes épidermiques opérées par les femmes vont soutenir la structure sociale inégalitaire de la société. Ainsi, les femmes FulBe sont les seules à être dotées d’une peau qualifiée de « rouge ».
Les femmes Dielli et Nyeno ont une couleur de peau noire avec des reflets rouges ou « café au lait », tandis que les anciens captifs RimayBe détiennent une peau noire. L’attribution de ces couleurs épidermiques relève également des différentes activités effectuées par les femmes. La différenciation entre les couleurs de la peau s’opère sur le rapport établi par les femmes peules entre leurs activités et leurs effets sur l’épiderme. Dans les représentations féminines, les activités peuvent avoir des effets inesthétiques sur l’épiderme, selon qu’elles se déroulent à l’extérieur ou à l’intérieur de l’espace domestique. L’espace extérieur, à cause du soleil et du vent, abîme la peau, tandis que l’espace domestique protège le corps des effets néfastes du climat. Les femmes travaillant à l’extérieur de leur foyer possèdent un teint de peau noir, une peau rugueuse et terne. L’effort physique suscité par une activité peut également noircir l’épiderme et rendre la peau moins souple.
Chaque catégorie sociale de la société se singularise par l’exercice d’activités. Les femmes FulBe ont la charge de la vente de lait provenant de leurs troupeaux de vaches. Cette activité est hautement valorisée à cause du symbolisme social lié au pastoralisme. Le commerce, autre que celui du lait, est dévalorisé par les femmes FulBe, ce qui les distingue des autres catégories sociales de la société. Si les femmes FulBe sont responsables de la vente de lait, elles envoient généralement à leur place les enfants et les jeunes filles de la famille pour aller le vendre dans les villages. Elles restent ainsi dans leur maison à filer le coton ou à confectionner des nattes.
Leur couleur de peau demeure donc claire et leur épiderme souple et brillant grâce à l’absence d’exercice physique. Les femmes Dielli et Nyeno se distinguent des autres catégories sociales de la société par les grandes distances qu’elles parcourent à pied pour gagner de l’argent. Les femmes Dielli se rendent à pied de village en village pour réciter les généalogies dans les familles lors des fêtes et des mariages. De même, les femmes Nyeno excisent et tatouent les jeunes filles peules de différents villages. La teinte de leur épiderme apparaît changeante, car elle dépend de la durée et du nombre de trajets qu’elles effectuent. Elles possèdent généralement un épiderme de couleur café au lait, mais qui peut devenir noir avec des reflets rouges. Les femmes Dielli et Nyeno peuvent ainsi avoir un épiderme plus clair. Les femmes RimayBe cultivent le riz et le mil, qu’elles vendent ensuite sur les marchés.
Récolter le riz et le mil représente une activité jugée éprouvante par les efforts physiques qu’elle nécessite et par le fait qu’elle se déroule au soleil. En conséquence, les femmes RimayBe possèdent une couleur de peau noire, rugueuse et terne. Posséder une peauclaire ou noire chez les Peuls Djeneri renvoie ainsi à une division des tâches en fonction de l’appartenance sociale. Les effets inesthétiques attribués aux différentes activités féminines soutiennent la hiérarchie sociale.
Depuis les travaux de G. Balandier
(1971) et de J.-L. Amselle et A. M’Boloko (1999), il est devenu incontestable
que la formation de l’identité se réalise en fonction des contacts
interculturels et des relations établies avec les autres sociétés. L’identité
peule se construisant sur un phénomène biologique, les Peuls créent une
distinction biologique et sociale avec les autres sociétés.
Dans leur environnement social, les Peuls opposent les populations noires à celles qualifiées de « blanches ». Les sociétés « noires », désignées par le terme « baleebe » 13, regroupent un ensemble de groupes ethniques distincts, tels que les cultivateurs Bambara, les pêcheurs Bozo ou les Dogon.
Celles dites « blanches » rassemblent les Touaregs, les Maures, les Arabes et les Occidentaux. La couleur de la peau permet aux Peuls d’identifier, de classer ou de stigmatiser ces différentes sociétés. Elle représente un marqueur d’identification, soit un « trait construit et codifié pour répondre à une fonction de repérage et d’identification dans des contextes déterminés d’interaction et de symbolique sociale » (Martinelli B., 1995 : 367).
Les femmes peules associent aux couleurs épidermiques des stéréotypes comportementaux afin d’établir des frontières sociales. Elles appréhendent ainsi les non-Peuls selon les valeurs sociales fondamentales de leur identité, dénommées « pulaaku » 14. Ces valeurs renvoient à la possession des sentiments de honte et de pudeur, à un contrôle verbal et corporel des émotions, des besoins physiologiques et des envies. Le « pulaaku » détermine la présentation de soi durant les interactions sociales, il prescrit comment les femmes peules doivent se comporter dans les relations interpersonnelles en fonction de l’âge, du sexe et du statut des individus.
Dans les représentations féminines, les Noirs représentent un stéréotype négatif des Peuls. Le Noir est ainsi désigné : « noir, gras, naïf, grossier, irresponsable, éhonté, dominé par ses sentiments et ses besoins » (Dupire M., 1970 : 170). Les individus possédant une peau noire n’auraient aucun contrôle de leurs affects et de leurs envies, ils agiraient avec impulsivité. Une insulte peule consiste à dire : « tu es le fils naturel d’un Kado », soit « un païen qui désigne tous les peuples noirs, aux cheveux crépus et courts » (Van Offelen M., 1996 : 89).
Cette insulte insiste sur les traits physiques caractérisant les Noirs, ces traits s’opposant aux attributs corporels que les Peuls se donnent. Ce stéréotype comportemental se joint à un jugement esthétique fondé sur l’apparence corporelle. La morphologie des Noirs se caractérise par une musculature développée et par un épiderme terne et rugueux. Selon les femmes peules, un corps musclé ne peut avoir un épiderme clair et souple, car la souplesse et la clarté de la peau sont associées à une certaine quantité de masse graisseuse15.
La couleur de peau noire constitue ainsi un stigmate corporel. Le stéréotype caractérisant les Noirs s’oppose à celui particularisant les sociétés qualifiées de « blanches ». Les Touaregs, les Maures ou les Arabes sont considérés par les Peuls comme des nobles. Selon les femmes peules, ils possèdent des valeurs sociales similaires aux leurs, comme le sens de l’honneur, le sentiment de honte et une réserve comportementale.
Les Peuls Djeneri valorisent le comportement des sociétés « blanches », auxquelles ils s’identifient. Dans les représentations peules, les femmes touaregs, maures et arabes possèdent un statut social et économique élevé. Elles ont à leur disposition des servantes pour effectuer les tâches domestiques et leurs maris ont des revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins.
Ces femmes possèdent ainsi une peau claire et un épiderme souple et brillant. Elles ont également des formes corporelles qualifiées de « molles » et des traits du visage fins. Une couleur de peau blanche renvoie ainsi à la détention de qualités morales, et, par extension, à la noblesse 16.
Pour les Peuls Djeneri, la couleur de la peau, la morphologie et un comportement socialement valorisé ou dévalorisé apparaissent indissociables 17. Les stéréotypes corporels et comportementaux établis par les Peuls leur permettent d’opérer un classement hiérarchique des autres sociétés selon leur propre système de valeurs et selon leur conception de la beauté corporelle.
Chez les Peuls Djeneri, la couleur de la peau est l’objet d’un discours socio-historique à travers les récits fondateurs. Grâce à la référence à un métissage originel, les Peuls font du corps et de la couleur de la peau un marqueur d’identification. Dans le symbolisme social, la couleur de la peau et la morphologie sont associées à des valeurs éthiques et comportementales. Le symbolisme social lié à l’épiderme suscite un jugement esthétique. L’attribution d’une belle couleur de peau, d’un épiderme souple et brillant est l’expression de l’appartenance sociale. La détention d’un tel épiderme est également liée à l’absence d’activités physiques, dans la mesure où la possession d’un tel épiderme est le reflet de la non-pratique d’activités physiques pénibles. Seules les femmes FulBe au sein de la société peule et celles appartenant à des sociétés qualifiées de « blanches » possèdent des attributs épidermiques jugés beaux.
Une couleur de peau noire, avec ou sans reflets rouges, et un épiderme rugueux sont associés à des activités socialement dévalorisées, parce que suscitant des efforts physiques. Les femmes possédant une couleur de peau noire appartiennent soit aux catégories sociales inférieures de la société peule, soit à des groupes ethniques pensés non nobles. Les relations établies entre la couleur de la peau, le comportement et la possession de certaines valeurs permettent aux Peuls de se positionner dans leur environnement social. Le symbolisme de la couleur de la peau soutient ainsi la hiérarchie inégalitaire de la société peule. En tant que marqueur d’identification, la couleur de la peau hiérarchise les autres sociétés selon le système de valeurs peul, elle instaure ainsi des frontières socioculturelles.
1. Ainsi, « la peau comme
donnée originaire à la fois d’ordre organique et d’ordre imaginaire, comme
système de protection de notre individualité en même temps que notre premier
instrument et lieu d’échange avec autrui » (Anzieu D., 1985 : 3).
2. Les Peuls Djeneri vivent en milieu rural dans le village de Senossa situé à environ 4 km de la ville de Djenné. Ce village est habité essentiellement par des FulBe, des RimayBe et des Nyeno qui coexistent ensemble dans des quartiers. Les sociétés peules se répartissent de l’ouest à l’est du continent africain, du Sénégal jusqu’au Tchad. Quatre grands blocs culturels sont distingués : celui occidental avec la Guinée, celui central avec le Mali et le Burkina Faso, et celui oriental comprenant le Niger, le Tchad, le Nord du Cameroun et le Nigeria. Les sociétés peules doivent être distinguées selon leur degré de mobilité, qu’elles soient nomades, semi-sédentaires ou sédentaires. Le mode de vie et la répartition géographique induisent une diversité culturelle et historique et particularisent les Peuls de tel ou tel pays et même d’une région.
3. L’emploi du terme « peul(es) » se réfère ici à l’ensemble de la société sans distinction d’appartenance à une catégorie sociale.
4. Le terme désigne « histoire » en arabe, il s’agit ici de documents écrits en langue arabe.
5. Comme le souligne J. Le Goff : « La mémoire est un élément essentiel de ce qu’on appelle désormais l’identité individuelle ou collective, dont la quête est une des activités fondamentales des individus et des sociétés d’aujourd’hui » (1988 : 174).
6. La référence au prophète Mahomet permet aux Peuls Djeneri de légitimer leur appartenance à la communauté musulmane, de se distinguer des sociétés converties plus tardivement à l’islam et, dans notre contexte d’enquête, de raviver le sentiment d’orgueil lié à la Dîna (empire peul du Mali 1818-1862).
7. Le récit d’un métissage originel est commun à de nombreuses sociétés peules. Cf. Tauxier L. (1937), Dupire M. (1996) ou Labatut R. (1978).
8. La notion de race, définie comme un groupe d’êtres humains dans lequel un trait physique tient lieu de fédérateur, représente effectivement une notion essentielle dans la création de l’identité peule.
9. Marguerite Dupire note également ce phénomène chez les Peuls Bororo, qui se placent, près des Touaregs et des Maures, comme peuple blanc parmi les Noirs (1981 : 168). Dans notre contexte, les « Blancs » désignent les Occidentaux.
10. C’est le cas chez les Peuls WodaaBe du Niger (Mathieu J.-M., 1998 : 201 ou Césaire I., 1987 : 72).
11. Si les Peuls se sont progressivement sédentarisés, le pastoralisme et le statut accordé à la vache demeurent dans notre contexte d’enquête un critère identitaire opérant quels que soient les contextes et les changements intervenant dans le mode de vie.
12. La Dîna (traduite par les Peuls par prière est l’empire peul du Mali fondé en 1818 et qui a pris fin en 1862).
13. Littéralement « les Noirs ».
14. Chez les Peuls, le « pulaaku » représente un code socio-moral qui détermine leurs comportements. Cf. les analyses pertinentes de Breedveld A. et de Bruijn M. (1994), et celles de Boesen E. (1999).
15. Pour les Peuls comme chez les Ibo du Nigeria, une pigmentation noire renvoie à l’exercice d’activités jugées difficiles. Ainsi, une « black girl is said to be harder worker » (Ardener E. W., 1954 : 72).
16. Cette association apparaît dans la dénomination des Peuls WodeeBe du Niger, dont la racine « wod » désigne à la fois « teint rouge » et « interdire » (Tressan de Marquis, 1952 : 1517). Selon I. Césaire, la racine « wod » signifie « bon », « droit », « honnête », « charme physique et moral » (1974 : 9-11).
17. Ceci prévaut également pour les RimayBe. Les valeurs sociales du « pulaaku » fonctionnent ainsi « comme un mécanisme d’identification des gens libres et de ségrégation sociale » (Ogawa R.282).
Bibliographie
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Moi-peau, Paris, Dunod.
Ardener
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Sociologie actuelle de l’Afrique noire, Paris, PUF, coll. « Quadrige Essais ».
Boesen E., 1999, «
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J., Paris, Karthala, p. 83-97.
Bruijn de M. et Breedveld
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d’études africaines, n° spéc. « L’archipel peul , 34, 133-135, p. 791-821.
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Esthétique des Peuls nomades WodaaBe, thèse de doctorat, Paris I.
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48, 2, p. 63-92.
Le Goff J., 1988,
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Mathieu J.-M., 1998, Les
bergers du soleil, Italie Éditions DésIris.
Martinelli B., 1995, «
Trames d’appartenances et chaînes d’identité », Cahier des sciences humaines,
vol. 31, n° 2, p. 365-405.
Monteil C., 1950, «
Réflexions sur le problème des Peuls », Société des africanistes, T. XX, fasc.
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Ogawa R., 1994, « Gaabgol
et kuumeen : cohésion sociale et disparités économiques », Cahiers d’études
africaines, n° spéc. « L’archipel
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Tauxier L., 1937, Moeurs
et histoire des Peuls, Paris, Payot.
Toumson R., 2001, « Les
archétypes du métissage », in Paradoxes du métissage, Paris, Comité des travaux
historiques et scientifiques.
Tressan de Marquis, 1952,
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Turner
T., 1995, « Social body and embodied subject : bodiliness, subjectivity and
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Van
Offelen M., 1996, Nomades du Niger, Londres, William Collins Sons & Co.
Ltd.
Par Dorothée Guilhem
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